jeudi 26 février 2009

Nanar sauvage

Attention, le flim de ce soir est probablement sponsorisé par une chaîne spécialisée dans l'ameublement.

Hier il m'a été donné de voir Eaux Sauvages (SAVAGE WATER 1979). Parmi les Choses Que L'Homme N'Est Pas Censé Mater Au Cinéma, ce film se place en belle position. Que dire qui n'aie pas déjà été écrit sur ce magnifique Deliverance (regarder bien la magnifique affiche, à gauche) version nanar ? C'est au-delà des mots. Déjà, au niveau de la réalisation, il faut avouer que le caméraman frôle le génie. Tout au long du métrage, une fois les personnages ayant quitté le confort de la civilisation, le dit caméraman va nous faire découvrir la beauté filmique du contre jour. L'image est dégueulasse et toute noire, on distingue à peine les éléments, mais il ne va pas s'arrêter là, ho non ! Il invente ensuite le contre nuit ! Et là ça devient de l'art : réussir à obtenir un effet de contre jour quand on filme une fausse nuit à l'aide d'un filtre bleu perrave. A la fin, décidant de ne pas s'arrêter là, il produit un "contre tribunal", ou comment filmer l'intérieur d'un tribunal aux murs noirs en contre jour. Si. Passons sur le flare qui a dû couter une pellicule entière vu que tourner la caméra face au soleil pardonne rarement.

Je garde l'histoire pour la fin, j'aborde maintenant l'exceptionnelle bande son. Le film débute sur une chanson faisant pauvre copie de Johnny Cash. D'ailleurs, dans le générique, on signale bien que la chanson a été composée spécialement par le film. D'ailleurs, tout le budget "son" y est passé. Ce qui signifie que le reste du film est dénué totalement de bruitages. A une exception près : à un moment on entend le bruit de l'eau, profitez-en ça dure pas. Ce qui fait qu'au moment où on entend l'eau, pour un film de descente de rivière, c'est un moment de féérie exceptionnel. Pour les musiques d'ambiance, ils ont récupéré des bouts de-ci, de-là provenant d'autre films, dans une durée n'excédant pas celle requerrant de payer des droits. Du moins, j'explique comme ça le fait que les musiques s'arrêtent n'importe quand, avec un blanc, en plein milieu d'une course poursuite ou autre. Les musiques sont vraiment de toutes provenances, puisqu'on a même parfois l'impression qu'ils ont retrouvé un vieux best-of de blaxploitation. Mais le pire, c'est le doublage. Carrément. Au début, j'ai cru que le traducteur adaptateur avait reçu les images sans le son et qu'il avait créé comme il avait pu les dialogues manquants, mais ce n'est pas le cas : la traduction littérale de l'anglais pour certaines formules ("Oh cher !" pour "O, dear!") permettent d'être sûr que le traducteur n'est pas responsable des lamentables dialogues, leçons de vie et autres remarques pitoyables qui émaillent ce film et servent à meubler finement la totalité de toutes les conversations (d'où le sponsor plus haut dans ce message). Par contre, l'adaptateur, lui, a déconné : la synchronisation est mauvaise à un point peu dicible. Les personnages ont parfois leurs lèvres qui bougent plusieurs secondes après que la voix aie cessé. De toutes façons, ça correspond pas au mouvement des lèvres. Heureusement que le caméraman et ses contre-jours sauvent l'affaire en masquant cela, et le reste de l'image avec. Ensuite, la traduction trop courte des textes fait que les doubleurs ont parfois rien à dire, ralentissant le débit avec des pauses en plein milieux des mots comme des acteurs séniles atteints de trous de mémoire : "Je pen...se que ... franchement... on devrait... conti ... nuer."

Un extrait ?

Et n'oublions pas les accents : les allemands avec un accent "kolossale finesse", l'arabe avec un accent comme on n'en fait plus depuis les années 50. Lamentable.
J'allais oublier : quand des gens sont sur des rafts dans des "rapides", ils font tous "youuuuu ! Youuuuu ! Supeeer ! Youuuu !" même quand un assassin se cache parmi eux.

Un autre ?

L'histoire, c'est des gens qui partent descendre une rivière en rafting lors d'un voyage organisé. Parmi la foule des touristes, on a un gros nerd, une pétasse, un arabe forcément détenteur de puits de pétroles, deux allemands forcément alcooliques, un gamin forcément insupportable, le hippie qui cause karma, etc. Les accompagnateurs nous fournissent l'aventurier maître de lui, le redneck dégoûtant... tout les clichés y passent, il n'en manque pas un.

Vous vous faites du mal, là...

Ils descendent leur rivière, qui ressemble à un lac dégueu au fond d'une carrière de calcaire, accompagné de stock shots. La plupart des passages nous permettent de recevoir des leçons de vie absurdes sur la mort, l'apocalypse prochain, le mariage, les stock options, comment draguer les femmes, comment rouler un palot, comment faire caca. Essentiel. Au bout d'une heure, quand le spectateur commence à trouver le temps long, y'a un gonze qui meurt. Une femme le découvre et se met à hurler. heureusement, une de ses amies vient la réconforter : "Que ça ne gâche pas tes vacances, surtout !". Un peu d'affolement, mais rien de grave, on se remet à niquer dans les fourrés la nuit et à faire "Youuu ! Youuu !" sur les rapides. Il y a ensuite d'autres morts ou blessés, dont le gamin qui se fait mordre par un crotale dans son sac de couchage. Note au dialoguiste : quand un gamin se fait mordre par un crotale, il gueule "Aaaaaaaaaaah" ou "Ouiiiiinnnnnnn" ou "Bordel de merde" suivant sa catégorie d'âge, mais pas "Je me suis fait mordre par un crotale que quelqu'un a mis dans mon sac de couchage". Le spectateur a suivi le peu qu'il y a à suivre, merci. On notera que la règle du pistolet de Tchekhov a été respectée : à un moment, l'aventurier nous explique tout ce qu'il y a à savoir sur la Belladonne, sans aucun rapport avec l'histoire. Tout le monde s'en tape. Il viendrait à personne l'idée de bouffer par hasard une herbe à la con. Sauf à lui. Ben plus tard, y'a quelqu'un qui meurt empoisonné à la Belladonne. Si. Ouf. Tchekov va pouvoir pieuter ce soir.

Non, sans dec, arrêtez.

En parlant de mort, n'oublions pas qu'on peut crever d' "hypodermie" quand on tombe dans l'eau froide, genre en 30 minutes, nous apprend on.

Bref, je disais que des gens meurent, mais que l'on continue à descendre la rivière. A un moment des types essaient de lyncher le psychiatre, qui a des réactions débiles mais qui est forcément coupable, c'est le psychiatre. Hé. Forcément. Il meurt avant la fin dans un accident, mais est condamné par contumace dans un tribunal (avec des plans en contre-tribunal, donc, merci au champion de la caméra). Un épilogue montrera que le héros de l'histoire, c'est lui le meurtrier. Ouuuhhhhh. Vu qu'à ce moment, ça fait déjà 40 minutes que le spectateur rit comme un goret à cause du film, c'est pas bien grave.

Un bien beau flim.

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