jeudi 3 novembre 2011

Seul face à Wendigo


(Merci à SFU pour l'image)

Dans la catégorie des films qui font mal aux yeux et aux oreilles, Wendigo se place dans la lignée de Eaux Sauvages dont j'avais précédemment parlé. J'avais dit beaucoup de mal de la photographie de Eaux Sauvages et, quelque part, c'était mérité. Mais j'ai relativisé en voyant Wendigo.

Le film est entièrement sous-exposé, tout du long. Parfois, on distingue des trucs, mais régulièrement l'image est quasi noire, à charge pour le spectateur d'imaginer ce qu'il peut bien se passer dans ces ombres fluctuantes produites par un caméraman incompétent. Le chef éclairagiste devait être en grève. Ou mort. Ou les deux.

Puisque j'en suis sur l'incompétence imagière, autant évoquer les faux-raccords honteux qui émaillent le film, ainsi que les plans larges qui permettent aux acteurs d'éviter d'être capables de jouer leur rôle. D'ailleurs, le reste du temps, ils n'y arrivent pas.

Difficile de parler de ce film sans évoquer la bande son.Les pistes odieuses ont été enregistrées sur une bande magnétique qui a salement eu tendance à fondre entre deux scènes faisant des "wooooingooooing" au milieu d'un scène, quand la bande se met à déconner. D'ailleurs, l'idée de changer de scène ET de musique semble un peu compliquée à mettre en oeuvre, alors le responsable de la musique a tendance a faire du scratch en plein milieu des scènes...

L'histoire est un néant. Des gars partent à la chasse au Caribou, mais des vents mauvais font sauter (boum si si) leur hélicoptère après qu'il les ait déposé au milieu de nulle part. Nous avons un chasseur, sa maîtresse qui croira (à raison souvent mais parfois à tort) que tout le monde veut la sauter, un indien appelé "Billy", un coureur des bois, un pilote vétéran du VietNam, un photographe plus mauvais que le caméraman du film. Je crois aussi qu'il y a un autre type. Un peu comme dans Street Trash, les personnages, quand le spectateur commencera vraiment à s'ennuyer malgré les dialogues inanes, auront tendance à exploser. Comme ça. Boum. Pour rien. On suppose que le "wendigo" y est pour quelque chose, mais on en est même pas sûr : ça n'a AUCUN sens.

D'ailleurs, parlons-en : il s'agit d'un pauv' reflet sur une vitre fait avec une lampe torche d'une marionette composée d'une tête à oreilles pointues et d'un bras (et on le verra un peu moins de 2s au total sur le film).

Tout l'amusant du film provient des dialogues lamentables oscillant entre le complètement creux ("Je n'ai pas d'explication à te donner même s'il y en avait une"), les grandes leçons de vie ("Je jette mes canettes dans les bois parce que, tu vois, faut rendre des trucs à la nature") et le racisme/machisme de bon aloi ("Ta gueule, femme, et prends tes affaires").

C'est un film sur le non-dit car on ne saura jamais vraiment rien. C'est un film sur le non-fait car personne ne fait rien, pas même le caméraman ou le chef éclairagiste. Même la poupouffe aura du mal à se faire sauter par les autres personnages malgré tous ses efforts. Seul Billy se la tape. Seul Billy survit au film. Une grande leçon de vie.

Le grand moment du film ? Deux types sur un canoë, dont Billy. Billy ne dit rien. Une vague phrase qui ne signifie rien ("si on va sur l'eau, alors l'élan aussi"). Son compagnon passe les 5 minutes que dure la scène à dire qu'il aime Billy parce qu'il dit rien et que lui cause tout le temps. Il arrête pas de causer. Il parle, il parle, il parle. Mais il ne dit _rien_. Et il termine son interminable tirade par un coup de pied en vache à Billy, qui n'avait rien demandé ("Bon sang, Billy, c'est aussi chouette d'être avec toi que d'être seul"). Le spectateur n'en avait pas tant demandé.

1978 de Roger Darbonne

Fiche SFU
Ce qu'en dit Nanarland